Le procureur à l’étudiant déguisé en femme et sa “petite-amie” : «je ne vais pas tirer sur des cadavres»

L’affaire de fraude au baccalauréat qui est sur toutes les lèvres depuis samedi dernier a été vidée hier par le Tribunal de grande instance de Diourbel. L’étudiant déguisé en femme pour décrocher le diplôme en faveur de sa “petite-amie” a pris un mois de prison dont 07 jours ferme, ainsi que  la candidate âgée de 19 ans. En effet, au cours des débats d’audience, les deux prévenus ont fait d’émouvantes confidences pour tenter de justifier leur acte. Mais selon le procureur, Khadim Mboup âgé de 22 ans et Gangué Dioum, 19 ans ont été sanctionnés à travers les réseaux sociaux et ils risquent des sanctions disciplinaires au niveau du système éducatif. Ainsi, le maître des poursuites leur dira clairement qu’il  ne va pas tirer sur des cadavres.

Masque bien ajusté, portant des babouches blanches, vêtu d’un caftan et d’un pantalon en bazin getzner de couleur jaune, le jeune homme de 22 ans  a rejoint de façon timide, calme et serein la barre en compagnie d’une fille de taille courte , portant une  longue robe et une écharpe accrochée au tour du cou. Les  prévenus ont reconnu sans ambages les faits de fraude aux examens. Visiblement gênée par les regards rivés sur eux, la candidate au baccalauréat a pris une dizaine de minutes pour faire la restitution des faits dans la salle d’audience où régnait un silence de cimetière. A l’en croire, tout est parti d’une crise qu’elle avait piquée devant son établissement à la veille de l’examen avant de perdre connaissance.

«Le mercredi dernier, j’étais partie à l’école pour réviser en cette vieille d’examen. Et j’ai eu un malaise devant la porte de notre établissement. Et j’ai dû me rendre aux urgences. Mais j’avais oublié par la suite tout ce que j’avais déjà appris parce que j’étais surmenée à cause des  intenses révisions», a indiqué l’élève âgée de 19 ans. A sa sortie de l’hôpital, Gangué Dioum dit avoir annoncé une triste nouvelle à Khadim. «Lors de  sa visite chez moi, j’ai fait savoir à Khadim que je ne suis plus apte à faire l’examen du baccalauréat parce que j’ai oublié tout ce que j’avais appris suite à ma crise. Mais,  il a déclaré que ce n’est pas la solution parce que j’ai appris durement durant 09 mois. Il m’a dit qu’il est hors de question que je renonce à l’examen», rapporte la prévenue avec une voix tremblante.

Poursuivant, Gangué Dioum dira qu’elle a demandé à son interlocuteur de la remplacer. «Je lui ai expliqué que la seule chance qui s’offre à moi, c’est que tu fasses les épreuves à ma place en te déguisant en femme», a-t-elle confié  non sans révéler que Khadim Mboup ne s’est pas fait prier  avant d’accepter. «Il m’a dit qu’il ne pouvait rien me refuser eu égard à tout ce que j’ai fait pour lui. Je lui ai proposé d’aller loger chez ma grande sœur, mais il m’a proposé de louer une chambre pour 03 jours en vue de réussir le plan»,  lâche-t-elle sous le contrôle de son “petit-ami”.

Le couple aurait sillonné les rues de Diourbel pour chercher une chambre en location avant de se rendre dans une auberge.

«Je l’attendais sur place et il passait les journées au centre pour éviter d’être identifié. Khadim terminait en premier dans la salle, mais il sortait après le départ de tout le monde», conclut-elle son long récit. Interpellé à son tour par le juge, Khadim Mboup a corroboré les propos de Gangué Dioum. Selon lui, la veille de l’examen, il était parti à l’école pour s’enquérir de la situation des révisions. Mais dès son arrivée, il a été informé que Gangué Dioum a fait un malaise. «Je me suis rendu à l’hôpital pour la voir et dès mon arrivée, on m’a fait savoir qu’elle est aux urgences. J’ai acheté un ticket de 3000 F Cfa pour qu’on soigne Gangué Dioum. Et je l’ai rassuré en lui faisant comprendre que la détérioration de son état de santé était liée au stress du baccalauréat. Plus tard, elle a été amenée chez elle par sa mère», a déclaré le jeune homme âgé de 22 ans.

Selon lui, Gangué Dioum lui fait savoir qu’elle ne va plus faire le baccalauréat cette année, que suite à son malaise, elle a oublié tout ce qu’elle avait appris. «J’ai tenté de la convaincre de renoncer à cette décision sans succès. Et elle  m’a proposé de faire le baccalauréat à sa place. J’ai répondu par l’affirmative. «Elle me réveillait à  06 heures du matin. Je partais me laver, faire mes ablutions et prier avant de porter les habits que Gangué m’apportait. J’ai fait les épreuves de philo, français, mathématiques, histoire géographie et on m’a interrompu lors de l’épreuve d’anglais», avoue-t-il, non  sans révéler qu’il avait déjà demandé à la candidate d’aller faire l’épreuve orale. «Elle devait  se débrouiller pour la dernière épreuve c’est-à-dire l’oral en anglais. En tant qu’homme, si je tente de faire l’oral, on va reconnaître  ma voix», ajoute Khadim Mboup.

Reprenant la parole pour  répondre à la question du juge de savoir où était l’urgence de décrocher le diplôme du baccalauréat cette année, l’élève âgée de 19 ans a fait des confidences émouvantes pour justifier son acte. «Depuis mon enfance jusqu’à ce jour, j’ai toujours étudié dans des écoles privées. Et ma mère m’a fait tous les honneurs en me payant ma scolarité. Je voulais la rendre heureuse avec ce diplôme. Ainsi, je révisais jusqu’à 23 heures avant de me rendre chez moi. J’ai beau travailler pour décrocher mon bac. Ainsi, je n’avais pas informé mes parents concernant l’idée de renoncer à l’examen», a-t-elle tenté de justifier sans convaincre le magistrat.

Le Parquet a demandé à la prévenue si elle serait satisfaite si elle avait décroché le diplôme dans ses conditions. Mais Gangué Dioum a répondu par la négative. Entrant dans la danse, le substitut du procureur Mamadou Seydou Diao a testé la candidate au baccalauréat pour connaitre son niveau. Ainsi, Gangué Dioum lui a fait savoir qu’elle avait une moyenne de 10 au premier semestre et ses meilleurs notes en français, anglais et mathématiques sont respectivement 13/20, 14/20 et 13/ 20. Mais le maître des poursuites est revenu à la charge pour sermonner la prévenue en ses termes: «Tes parents ne veulent pas que tu décroches ton baccalauréat dans ces conditions. Et ta mère veut que tu sois juste et honnête».

Gangué Dioum au procureur : «c’est en prison que j’ai compris que mon acte n’avait aucun  sens»

Gangué Dioum a interrompu le représentant du ministère public pour regretter son acte. «Si c’était à refaire, je ne le referai jamais et j’ai compris franchement en prison que mon acte n’avait aucun sens», regrette-t-elle. Le substitut du procureur s’est défaussé sur Khadim Mboup. Selon lui, l’étudiant n’aidait pas la candidate, mais il lui faisait croire que tous les moyens étaient bons pour réussir dans la vie. Ainsi Mamadou Saidou Diao dira clairement au jeune homme qu’il tentait de créer un danger social. Poursuivant son argument, il précisera que ces candidats, qui vont tricher pour avoir leur bac, vont promouvoir la promotion canapé à l’université.

L’étudiant a repris la parole pour faire une précision. Pour dire qu’il en est à sa première tentative. «J’ai accepté de faire le baccalauréat à la place de Gangué Dioum par l’amour. Et j’ai entendu les gens dire que c’est ma copine. Mais elle est seulement mon amie», a-t-il fait croire à la barre avant de saisir l’occasion pour s’adresser à la nation. « Président (du tribunal), je veux que vous m’accordez la chance de m’excuser devant la population et mes parents», s’est repenti Khadim Mboup. Et Gangué Dioum lui a emboîté le pas pour présenter ses plates excuses.

Le procureur aux prévenus: «je ne vais pas tirer sur des cadavres»

Durant son réquisitoire, le substitut du procureur a rappelé que la loi a prévu des sanctions allant de 01 mois à 03 ans à l’encontre de tout fraudeur lors d’un examen. Mais Mamadou Saidou Diao dira que les prévenus ont été déjà été sanctionnés à travers les réseaux sociaux et qu’ils risquent aussi des sanctions disciplinaires. Ainsi, il  les a rassurés en ces termes: «Le ministère public ne va pas tirer sur des cadavres». Et il a requis une peine d’un mois de prison ferme. Finalement, le tribunal a condamné le “couple tricheur ” à 01 mois dont 07 jours ferme. Ainsi les deux prévenus seront libres lundi prochain.

Mor Mbaye Cissé, correspondant à Diourbel ACTUSEN